Actualités biodiversité et immobilier durable
Dans un marché où la biodiversité devient un critère de valeur et d’image, les démarches de reconnaissance se multiplient. Mais entre labels volontaires et certifications accréditées, la frontière reste floue pour beaucoup d’acteurs. Effinature et BiodiverCity sont souvent évoqués ensemble ; pourtant, ils ne relèvent ni du même statut, ni de la même rigueur. Comprendre cette différence, c’est distinguer la sensibilisation de la preuve, et l’intention de la conformité.
Une certification indépendante face à un label déclaratif
Le marché français dispose aujourd’hui de plusieurs démarches pour valoriser la biodiversité dans les projets immobiliers. Leur comparaison mérite d’être clarifiée. Si Effinature et BiodiverCity partagent un objectif commun, mieux intégrer le vivant dans la fabrique urbaine, elles reposent sur des fondements juridiques et méthodologiques radicalement différents.
Comparer les deux, c’est confondre une certification accréditée et un label volontaire.
1. Deux origines, deux modèles
Créée en 2009, Effinature est issue d’un travail d’ingénieurs et d’écologues visant à établir une méthode d’évaluation de la performance écologique réelle des projets. Elle est délivrée par IRICE, organisme accrédité selon la norme ISO/CEI 17065, garantissant l’impartialité, la compétence et la traçabilité du processus. Chaque certificat engage la responsabilité juridique du certificateur et repose sur trois audits : conception, réalisation, exploitation.
BiodiverCity, initié au début des années 2010 par le CIBI (Conseil International Biodiversité et Immobilier), relève d’une logique associative. Son objectif est de promouvoir la biodiversité au sein des projets à travers une démarche de sensibilisation. Les évaluations sont confiées à des professionnels formés et habilités par le CIBI, dans le cadre d’un processus interne. Cette procédure ne relève d’aucune accréditation officielle au sens du système français d’évaluation de la conformité.
2. Certification accréditée ou label privé : un écart juridique fondamental
Effinature relève du champ réglementé de la certification, encadré par le Code de la consommation. Chaque audit est réalisé sous le contrôle d’un organisme accrédité, garantissant une évaluation tierce partie, indépendante et opposable. Ce statut permet à la certification d’être mobilisée dans les marchés publics, les dispositifs ESG et la finance durable.
BiodiverCity est un label associatif : sa gouvernance repose sur l’auto-organisation d’un réseau d’acteurs, sans accréditation par une autorité nationale reconnue (comme le COFRAC, signataire des accords EA, ILAC, IAF). L’emploi du mot accréditation en dehors de ce cadre est encadré par le Code de la consommation : il ne peut désigner qu’une reconnaissance officielle délivrée par l’organisme compétent.
3. Écologie fonctionnelle vs. scoring d’intention
Effinature s’appuie sur une écologie fonctionnelle, c’est-à-dire sur le fonctionnement global du système vivant. Le référentiel est structuré autour de six thématiques fondamentales de la biodiversité :
- Préservation du sol vivant,
- Développement du patrimoine végétal,
- Soutien à la faune locale,
- Réduction des impacts du projet,
- Bien-être des usagers,
- Valorisation des compétences.
Chaque critère est obligatoire et vérifié à chaque étape du projet. L’objectif est de garantir la résilience écologique réelle des opérations dans la durée.
BiodiverCity repose sur un scoring volontaire : les critères ne sont pas tous requis, et le résultat final exprime un niveau d’engagement global. C’est un outil utile pour valoriser une démarche, mais il ne constitue pas une certification de conformité.
En résumé :
- le scoring photographie une intention ;
- la certification valide un fonctionnement.
4. Des niveaux de contrainte différents
Le label BiodiverCity se caractérise par sa souplesse d’application : notation synthétique, procédures simplifiées, conditions d’obtention accessibles. Cette ouverture encourage la diffusion, mais limite la fiabilité normative du résultat. Même si le CIBI évoque des collaborations possibles avec des tiers (Certivéa, Deloitte, BlueBird), ces dispositifs ne constituent pas une accréditation nationale ni un contrôle indépendant au sens de la certification.
Effinature, à l’inverse, repose sur une méthodologie auditable, documentée et opposable. Les audits successifs assurent le suivi du projet sur l’ensemble de son cycle de vie, garantissant la cohérence écologique dans le temps.
5. Le Biodiversity Performance Score : un outil de mesure crédible
Afin d’offrir un outil de lecture complémentaire, IRICE a développé le Biodiversity Performance Score (BPS). Cet outil de scoring scientifique permet d’évaluer la performance écologique d’un projet avant sa certification. Il traduit la réalité biologique du site à partir d’indicateurs mesurables et comparables. Le BPS constitue une première étape vers une future certification fondée sur la preuve, en cohérence avec la taxonomie européenne et les référentiels de finance durable.
Ainsi, IRICE articule une chaîne complète :
- un outil d’évaluation quantitative (BPS),
- une certification accréditée (Effinature).
6. Quand la biodiversité devient récit émotionnel
Une part du discours public sur la biodiversité repose sur l’émotion et la narration : retrouver l’émerveillement, renouer avec la nature, s’émouvoir du vivant. Ces approches favorisent la sensibilisation, mais elles relèvent du registre émotionnel, non du registre scientifique.
La certification Effinature s’inscrit dans une autre logique : celle de la mesure, de la reproductibilité et de la preuve. Chaque critère découle d’un processus scientifique validé, fondé sur des données écologiques et contrôlé par des auditeurs indépendants. Là où l’émotion cherche l’adhésion, la méthode recherche la fiabilité.
C’est la distinction essentielle entre une écologie de ressenti et une écologie de performance.
7. En conclusion
Effinature et BiodiverCity répondent à des logiques différentes. Effinature est une certification accréditée, indépendante et opposable, fondée sur la science et la conformité. BiodiverCity est un label volontaire, utile pour sensibiliser, mais sans valeur réglementaire.
L’un valide un système fonctionnel ; l’autre valorise une intention déclarative. Et c’est dans cet écart que se joue la crédibilité écologique du secteur immobilier : non pas dans la multiplication des labels, mais dans la fiabilité des preuves qui fondent la confiance des acteurs publics et privés.

